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L'arche de Jackie
17 août 2019

Sans dessous-dessus... ou presque ! l'histoire d'un vêtement imaginé à la fin du XIXème siècle !

Il y a quelques mois, à l'occasion de la "Journée internationale de la femme", j'ai entendu, sur France Bleu Auxerre, l'évocation d'une femme dont j'ignorais le nom et qui fut à l'origine d'un article typiquement (et uniquement...) féminin, dont je n'imaginais pas l'histoire... j'ai trouvé amusant de vous la raconter : c'est celle du "soutien-gorge" !

Si les femmes utilisent des dispositifs pour soutenir leur poitrine depuis l'Antiquité, le soutien-gorge tel que nous le connaissons aujourd’hui est apparu au début du XXème siècle. En efffet, de l’antiquité jusqu’à l’apparition du soutien-gorge moderne, différents dispositifs de soutien se sont succédé : strophium, sangles, brassières, bandeaux, corsets et corselets.

Les ancêtres du soutien-gorge
Dès l’antiquité grecque et romaine, les femmes ont eu recours à divers accessoires afin de soutenir et de mettre en valeur leur poitrine.
La bandelette antique
Durant l’antiquité, le soutien-gorge n’existe pas, mais en Grèce, aux alentours du Vème siècle avant notre ère, les femmes utilisent des sous-vêtements pour cacher leurs formes. Il faut gommer les hanches et la poitrine. Il faut faire disparaître tout ce qui peut être féminin en fait. Aussi, les Grecques portent-elles des brassières, ou mastodeton, de larges et longues bandes qu’elles s’enroulent autour de la poitrine. L’idée, c’est de comprimer dès l’adolescence pour limiter la croissance des nichons…
A Sparte, les femmes portent des tuniques serrées sous la poitrine, ça fait sortir les nichons, et en plus de ça, loin de la pudeur qu’on connaît, les femmes n’hésitaient pas à ne cacher qu’un seul sein, le droit, et laisser le gauche à l’air libre !
A Rome, on fait pareil, on cache tout… Il n’y a que les noms qui changent. Le zona sert à masquer les hanches, et les bandelettes pour poitrine sont appelés strophium, ou encore  taenia ou d’un fascia. C’est comme une grande écharpe qui sert à draper et comprimer les seins pour les faire disparaître sous la robe. Pendant le sexe, certaines prostituées gardent leur soutif, genre, non, ils sont trop gros, j’ai honte !
De manière générale, en Égypte ancienne, les femmes vivent seins nus ou en robe, mais elles ne portent pas de soutien-gorge.
Les femmes romaines avaient ainsi coutume de porter des accessoires connus sous le nom de "strophium" ou de "fascia".
Il s’agissait de bandes de tissu qu’elles enroulaient sous leur poitrine pour soutenir les seins ou avec lesquelles elles se bandaient la poitrine pour l’effacer.

Corsets et interdits médiévaux
Au Moyen-Age, il y a deux temps. Avant 1370, et après. Au début, les femmes portent des corsets lacés dans le dos pour un effet plongeant des plus réussi ! Le corsage, appelé gourgandine, laisse déborder les seins et les tétons sont bien souvent apparents !
Et puis, ensuite, c’est interdit. En 1370, un édit stipule qu’il est interdit de se soutenir la poitrine « que ce soit par disposition de la chemise ou par robe lacée ». Du coup, les femmes ne portent plus rien. On peut penser qu’à 32 ans, les nanas se retrouvaient avec les nichons au niveau du nombril, mais des études tendent à prouver le contraire, au contraire, le fait de porter un soutien à la poitrine atrophie le haut du muscle et du coup, quand tu enlèves le soutif, paf, ça tombe au niveau des genoux. Du coup, à cette époque, on cache, et on porte des gorgerettes, c’est un sous-vêtement qui sert à cacher le cou.

La Renaissance du corset
Au diable l’édit de 1370 ! Vive le corset, et vive le nichon fier ! Le corset redevient le symbole de la féminité, de la sensualité et adieu la respiration et les organes à leur place. Bin oui, le corset, ça peut être joli, élégant, sexy ou je ne sais quoi, mais ça te comprime la cage thoracique et ça réduit ton estomac. Alors, tu as le nichon bien haut et bien fier, la taille fine et les hanches larges, certes, mais tu peux ni manger, ni respirer correctement…. Et ça va être ça pendant plus de 500 ans.
Les corsets sont en tissu, ils se serrent grâce à un système de lacets. Et puis, au fil du temps, ça évolue, les formes changent, on laisse plus de place aux hanches, au ventre, ou aux seins, selon les époques mais pour plus d’efficacité on ajoute des pièces en bois, ou des tiges en métal pour maintenir fermement toute cette chair.
Autres conséquences du port du corset : escarres, fausses couches, déformation de la cage thoracique et de la colonne vertébrale et atrophie des muscles dorsaux et abdominaux…

corset

 
Le XIXème siècle
Durant les années 1900, le corset est autant apprécié que rejeté. On reconnaît les conséquences, mais on continue de le modifier, le resserrer… A cette époque, il descend sur les hanches, possède deux bretelles et écrase bien bien les nichons. D’autant qu’à l’époque, il est élégant et classieux d’avoir l’air malade, pale, faible.

Les premiers modèles de soutien-gorge
Le soutien-gorge est une création française : il a été inventé par Hermine Cadolle en 1889 et présenté lors de l'exposition universelle de Paris sous le nom de "Bien-Etre".
Image
Cadolle-Soutien-Gorge

Le modèle de corselet-gorge proposé par Herminie Cadolle. Schéma extrait de Le corset, histoire, médecine, hygiène. Étude historique (1905)


Ce premier modèle était un simple corset coupé en deux sous la poitrine pour être plus confortable.
L'origine exacte du soutien-gorge tel que nous le connaissons est encore discutée.
Il fut d’abord appelé "gorgerette" ou "maintien-gorge", avant que son nom actuel apparaisse dans le dictionnaire Larousse en 1904.

gorgerette

Le premier modèle présentant deux bonnets séparés a été crée en 1913 par l’américaine Mary Phelps Jacob.
Son invention sera commercialisée par la Warner Brothers Corset Company en 1931.
A la même période, une autre femme, Rosalind Kind, invente un modèle de soutien-gorge composés de deux triangles croisés devant et dans le dos.

cadolle "Mon arrière arrière grand-mère a été une très vilaine ouvrière libertaire durant la Commune, puis, une fois exilée en Argentine, elle est devenue patronne et capitaliste." - Quand Poupie Cadolle, patronne de la maison Cadolle, évoque la mémoire d'Herminie Cadolle, l'inventrice du soutien-gorge, elle s'amuse et s'attendrit.

Sans son aïeule, Herminie CADOLLE, née Eugénie SARDON le 17 août 1842 à Beaugency (Loiret), ouvrière corsetière et farouche communarde, le soutien-gorge n'aurait pas vu le jour !

Féministe convaincue
Sans être parmi les figures les plus actives de la Commune, comme Elisa Rétiffe, la jolie veuve Leroy, Hortense David (et son fameux cigare), Herminie Cadolle, installée depuis 1860 dans le quartier de la Villette avec son mari peintre en bâtiment, ouvrière corsetière dans l’un des innombrables ateliers de confection qui font la mode parisienne, est arrêtée et détenue à la prison de Rouen, puis transférée à celle des Chantiers à Versailles, où elle retrouve son amie intime, l'anarchiste et féministe Louise Michel.

Elle est relâchée au bout de six mois, son mari est condamné à deux ans de prison en 1872. La jeune femme, qui n’a pas 30 ans, n’en reste pas là, devient trésorière du Comité d’aide aux amnistiés qui soutient les anciens communards et les survivants de la semaine sanglante, crie sur la tombe du communard blanquiste exécuté Théophile Ferré «nous te vengerons», passe au tribunal pour en répondre.

Arrêtée, puis bannie de France après avoir été traduite devant le conseil de guerre de Versailles, celle qui défendit les barricades quitte donc Paris, et son air étouffant de répression politique et, en 1887, sa vie de simple ouvrière corsetière et ses activités politiques.

Après avoir marié son fils Alcide, elle s’en va, à 42 ans, en Argentine, paradis des communards en exil, lancer un atelier boutique à Buenos Aires.
C'est en 1889 qu'Herminie, l'ouvrière giletière a l'idée de couper le corset en deux. Elle le coupe en deux, le rend moins rigide avec du fil souple élastique, deux bretelles et une armature en W : le brevet est déposé en 1898 et, la même année, elle présente sa création, un modèle appelé "bien-être" , à l’Exposition universelle de Paris.

En féministe convaincue, Herminie veut améliorer la condition des femmes. Son "corselet-gorge" ou "maintien-gorge" n'est guère confortable, avec son armature en forme de W, sous-tendue par une baleine métallique. Qu'importe, pour la première fois, la poitrine féminine se retrouve suspendue par... les épaules. Et les femmes adorent.

En 1910, fortune faite, elle rentre définitivement en 1910 et ouvre un atelier et une boutique qu’elle confie à sa belle-fille Marie au 24, rue de la Chaussée-d’Antin. Elle a deux fils. L'un est revenu vivant de la Grande Guerre, l'autre pas. Le fils rescapé reprend alors la maison, toujours tenue, six générations plus tard, par deux Cadolle : Poupie et sa fille Patricia.

En 1911, Marie Cadolle décide à cette époque de quitter les locaux de la rue de la chaussée d’Antin et le quartier des grands magasins parisiens pour s’installer rue Cambon ; d’autre créateurs de mode, qui deviendront célèbres, vont participer à ce mouvement et créer à cette adresse un uveau pôle parisien de mode et d’élégance De nos jours, la maison Cadolle y fait toujours figure d’institution.

cambon

Marguerite Cadolle est très amie avec une célèbre joueuse de tennis de l’époque : Suzanne Lenglen ; en 1921, elles signent ensemble plusieurs campagnes publicitaires pour la ligne des parfums Cadolle. Toujours novatrice, la Maison Cadolle lance ainsi le premier "co-branding" avec une femme appartenant au monde du sport.

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En 1925, Marguerite crée le premier soutien-gorge aplatisseur pour la mode des années 20 exigeant une poitrine plate de garçonne : le fameux boyish form pour Coco Chanel. Puis, pour la duchesse de Windsor et aussi pour beaucoup d’autre femmes célèbres de cette époque si tourmentée en Europe, elle crée des collections raffinées de lingerie : décolletés vertigineux, robes moulées à l’extrême… : par ses créations foisonnantes elle va créer le premier trait d’union entre le métier de la corsetterie et la Couture : la « touche Cadolle » était née.cambon-histoire

En 1947, Alice Cadolle met au point avec Monsieur Rochas un nouveau serre taille, et lui donne le nom du couturier. Inspirée de la taille fine d’une guêpe, une nouvelle silhouette du corps de la femme est créée avec la « guêpière ». On était désormais bien loin des soutien-gorge en rubans, en coutil et en métal que fabriquait Herminie pour la célèbre espionne Mata Hari
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De multiples distinctions couronneront les créations foisonnantes de la Maison Cadolle pendant cette période d’après-guerre. En 1949, deux années après Monsieur  Christian DIOR, Alice Cadolle obtiendra la plus célèbre distinction mondiale des métiers de la mode de cette époque : le trophée "Neiman Marcus", aux Etats-Unis.

Le retour du corset

À l’occasion d’un salon professionnel à Paris, en 1989, Poupie Cadolle lance un nouveau type de corset. L’utilisation de nouveaux matériaux modernes associée à une nouvelle définition de la silhouette féminine, transforme l’ancien corset en un véritable vêtement de confort et non plus de contrainte; les femmes s’entichent immédiatement de ce nouveau vêtement qu’elles avaient oublié depuis 80 ans; presque immédiatement le corset fait son retour dans les collections de la Haute Couture parisienne et s’installe dans les garde-robes des stars et fashionatas; le corset s’émancipe de son image d’origine et se réinvente comme une pièce glamour, symbole du raffinement qu’il a toujours représenté.

Des ateliers à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), deux boutiques à Paris, les Cadolle veillent à préserver le savoir-faire d'Herminie. Elle exporte dans le monde entier et est une des premières à utiliser la vente par catalogue. Elle fait travailler au début du XXe siècle plus de deux cents ouvrières dans ses ateliers parisiens qui fabriquent de la lingerie pour Londres, New York ou Saint-Pétersbourg…
A Saint-Cloud, Herminie Cadolle est morte à 82 ans, en 1924, dix-neuf ans après Louise Michel et la même année que Lénine. Une de ses dernières actions politiques fut, dit-on, de signer une pétition en faveur du capitaine Dreyfus.

Evolution du soutien-gorge
Alors que les premiers modèles de soutien-gorge étaient en lin, le choix des matières s’est diversifié à partir des années 1920, lorsque cette pièce de lingerie a connu un véritable essor.
Des modèles en mousseline, en soie ou en batiste font alors leur apparition.
Cet accessoire, plus fonctionnel qu’un corset, apparaît mieux adapté aux besoins de l'époque et reçoit le soutien des couturiers Paul Poiret, Madeleine Vionnet ou Nicole Groult.
La création des modèles pigeonnant, mettant en valeur le décolleté des femmes, date des années 60.
Elle marque une évolution de ce sous-vêtement d’une utilisation pratique vers une fonction esthétique.
Lejaby lança un modèle pigeonnant dès 1956, bientôt suivi par Playtex et son "cœur croisé" le premier soutien-gorge à armatures non métalliques.

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