Vendredi 29 octobre - Joseph Pulitzer, pionnier du journalisme moderne đ°
Nous fĂȘtons les Narcisse, Ermelinde !
Saint Narcisse, EvĂȘque de JĂ©rusalem, mort en 212. On ne peut parler du prĂ©nom Narcisse sans Ă©voquer la fleur qui porte le mĂȘme nom et le mythe antique racontĂ© par Ovide. Narcisse Ă©tait un jeune garçon d'une grande beautĂ©. Se penchant sur l'eau pour boire, il voit son reflet et n'en peut dĂ©tacher les yeux. Il se laisse gagner par la mort, absorbĂ© dans cet amour vain. Lorsque les NaĂŻades, ses soeurs, cherchent son corps pour l'enterrer, elles trouvent Ă la place la fleur au coeur jaune. Le prĂ©nom Narcisse vient d'un mot grec qui signifie "torpeur".
Sainte Ermelinde, une sainte du Brabant morte en 595.
đ Le dicton du jour : "Neige le jour de Saint-Narcisse, pour le blĂ© est un bĂ©nĂ©fice"
đ La citation du jour : "Je ne peux rien pour qui ne pose pas de questions. " Confucius
Cela sâest passĂ© un 29 octobre
29 octobre 1911 - décÚs de Joseph Pullitzer (magnat de la presse américain)
NĂ© le 10 avril 1847 Ă Mako (Hongrie) dâune modeste famille bourgeoise, Joseph Pulitzer dĂ©cide en 1864 dâĂ©migrer aux Etats-Unis. Le jeune homme sâinstalle Ă Saint Louis dans le Missouri, oĂč il exerce pendant quelques annĂ©es divers petits mĂ©tiers. En 1868, le quotidien "Westliche Post" cherche un reporter. Pulitzer est choisi un peu par hasard. Dâune tĂ©nacitĂ© et dâune ambition peu communes, le jeune journaliste est partout, se mĂȘle des Ă©ditoriaux, fournit inlassablement enquĂȘtes et entretiensâŠ
EnvoyĂ© comme correspondant Ă la session parlementaire du Missouri, le journaliste se passionne vite pour le monde politique. Dans cette AmĂ©rique de la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXĂšme siĂšcle, corrompue et violente, il trouve toutes sortes de scandales Ă dĂ©noncer. Joseph Pulitzer se fait un nom. Ses retentissantes enquĂȘtes font de lui une figure incontournable de la ville. A 23 ans, il est Ă©lu dĂ©putĂ© du parti rĂ©publicain, qui cherchait, il est vrai, dĂ©sespĂ©rĂ©ment un candidat.
Pulitzer acquiert, en 1878, un journal en faillite, le St Louis Dispatch. Sâalliant avec le directeur du Post, ils crĂ©ent le St Louis Post-Dispatch. Son associĂ© lui laissant les coudĂ©es franches, Joseph Pulitzer donne le ton dĂšs le lendemain dans son Ă©ditorial : "Le Post-Dispatch ne sera pas au service dâun parti, mais au service du peuple⊠Il ne sera pas lĂ pour soutenir lâadministration mais pour la critiquer, il combattra les imposteurs et les escrocs". Les ventes du quotidien dĂ©collent. Pulitzer nâa de cesse de dĂ©noncer la corruption qui afflige ses concitoyens. Il enquĂȘte sur les cercles de jeux, les Ă©vasions fiscales. Il agite tellement les milieux politiques et mafieux, quâil arrive que les protagonistes dĂ©barquent lâarme au poing dans les bureaux du journal !
A 36 ans, Joseph Pulitzer est riche mais physiquement Ă©puisĂ©. Son entourage le persuade de partir en croisiĂšre en Europe. Son voyage sâarrĂȘte Ă New York. Il fait main basse sur une gazette religieuse, The World and Courier and Enquirer. La presse new-yorkaise est Ă lâimage de sa ville, en pleine Ă©bullition. Des dizaines de titres, dans toutes les langues, sâarrachent parmi les immigrants de la vieille Europe, dĂ©sireux dâen savoir plus sur leur pays dâaccueil.
A la rĂ©daction du journal, il intime lâordre dâaller "arpenter le Bowery", quartier le plus peuplĂ© et le plus pauvre de Manhattan. Pulitzer aspire Ă faire "un journal bon marchĂ© qui soit intelligent, mais aussi porteur des idĂ©aux dĂ©mocratiques, au service des gens et non des seules puissances dâargent". A la tĂȘte du journal rebaptisĂ© The New York World, le directeur imprime Ă ses nouvelles recrues sa marque de fabrique : le journalisme dâinvestigation. Plus lâenquĂȘte est risquĂ©e, plus lâinformation doit ĂȘtre rigoureusement vĂ©rifiĂ©e. En guise de rappel, Pulitzer a fait afficher, sur chaque bureau du World, des panneaux oĂč sâĂ©talent en lettres gĂ©antes les mots : "Exactitude, exactitude, exactitude !".
Mais le patron de presse a une autre obsession : parler au plus grand nombre. Pour attirer les masses, il ne faut pas seulement les informer, il faut aussi les distraire. Pour cela, il nâhĂ©site pas Ă recourir au sensationnel, multipliant faits divers, enquĂȘtes policiĂšres et chroniques mondaines. Le succĂšs populaire est Ă ce prix.
Avec prĂšs de cinquante ans dâavance, Joseph Pulitzer introduit dans son journal des rubriques sur les femmes, le "pratique", la santĂ©. Parce quâil estime dâun journal quâil faut dâabord "le remarquer, puis lâacheter et enfin le lire", il dĂ©veloppe les illustrations. Dessins et photos acquiĂšrent une place de choix au fil des Ă©ditions. Les comics font eux aussi leur entrĂ©e. Cette presse Ă sensation est surnommĂ©e "yellow press", les bandes dessinĂ©es imprimĂ©es en jaune dĂ©teignant sur les pages voisines.
Si Pulitzer ne recule devant rien pour attirer les lecteurs, il est Ă©galement le prĂ©curseur des enquĂȘtes sociales, sur la mortalitĂ© infantile ou les prisons⊠ou le promoteur dâĂ©vĂšnements, quand il lĂšve une campagne de dons pour financer le socle de la Statue de la LibertĂ©. Câest lui encore qui donne aux Ă©vĂšnements internationaux une dimension jusque lĂ inconnue, envoyant des dizaines de reporters aux quatre coins du globe. A la recherche de nouveaux talents, Pulitzer renouvelle sans cesse ses Ă©quipes, le World employant jusquâĂ mille personnes.
Il lui reste une ambition politique Ă assouvir : Ă©prouver son influence de patron de presse au niveau national. Pour lâĂ©lection prĂ©sidentielle de 1884, il soutient le peu charismatique candidat dĂ©mocrate, Glover Cleeveland. Celui-ci gagne de justesse. Le soutien du World nây est pas Ă©tranger. A 37 ans, Joseph Pulitzer a "fait" le prĂ©sident des Etats-Unis !
Le pouvoir de la presse
Le directeur du World paye le succĂšs spectaculaire de son journal par une santĂ© toujours plus fragile. A 43 ans, Joseph Pulitzer perd dĂ©finitivement la vue. Dix ans aprĂšs le rachat du journal, qui tire Ă plusieurs centaines de milliers dâexemplaires par jour, Pulitzer annonce sa retraite. Il sâĂ©loigne physiquement de son journal, mais il a pris soin de placer un comitĂ© directeur Ă la tĂȘte du World quâil surveille sans relĂąche. Les nouvelles Ă©quipes, soigneusement choisies, sont aussi rĂ©guliĂšrement remplacĂ©es ! Tout en leur laissant lâindĂ©pendance de mener leurs enquĂȘtes comme ils lâentendent, il inonde de messages et de recommandations ses rĂ©dactions. Ses notes cinglantes sont lues chaque jour en confĂ©rence de presse, et son exigence professionnelle est plus que jamais intacte.
Mais de nouvelles difficultĂ©s surgissent bientĂŽt. A la tĂȘte du quotidien de San Francisco, The Observer, William Randolph Hearst, lâhomme qui inspira le "Citizen Kane" dâOrson Welles, devient son plus grand rival.
Les deux magnats de la presse sâaffrontent principalement sur le terrain de la guerre et de la paix. Dans le conflit qui oppose en 1895 le Venezuela Ă la Guyane anglaise, Hearst pousse Ă lâentrĂ©e en guerre des Etats-Unis. Pulitzer, critique, quant Ă lui, les aspirations impĂ©rialistes du nouveau continent. Il mĂšne alors campagne pour la paix, interpellant directement, par lâentremise de son journal, hommes politiques et intellectuels anglais. Le directeur du World gagne la partie. Les Etats-Unis sâabstiennent dâintervenir. En ce dĂ©but de siĂšcle, les patrons de presse amĂ©ricains se mĂȘlent de politique, utilisant leur pouvoir sur lâopinion publique comme un puissant moyen de pression sur Washington.
A 61 ans, Joseph Pulitzer est Ă©puisĂ© par toutes ces batailles. Il lui faudra encore affronter le prĂ©sident Roosevelt. Les deux hommes, qui partagent pourtant des convictions communes, ne sâapprĂ©cient guĂšre. En 1909, Pulitzer dĂ©cide de mener une campagne dĂ©nonçant les troubles conditions du rachat du Canal de Panama par les Etats-Unis. ExaspĂ©rĂ© par le pouvoir de ces journalistes trop puissants, Roosevelt porte plainte contre lui pour diffamation.
Un an tout juste avant sa mort, le directeur du World est innocentĂ©. La nouvelle est considĂ©rĂ©e par tous comme une victoire de la libertĂ© de la presse. Le 29 octobre 1911, Joseph Pulitzer sâĂ©teint Ă Charleston, Ă bord de son yacht.
Le World ne lui survivra pas, rapidement dĂ©mantelĂ© par son fils aĂźnĂ©. Seul le St Louis Post-Dispatch continuera, grĂące Ă son fils cadet puis Ă son petit-fils, dâassurer la lĂ©gende des Pulitzer jusquâen 2005.