Le 27 septembre 1748, une ordonnance du roi Louis XV abolit l'institution des galères et incorpore ces dernières dans la marine royale. Les forçats sont désormais internés dans des prisons côtières ou dans des navires hors service, notamment à Toulon, dans ce qui sera le bagne.
Depuis 1560, où une ordonnance de Charles IX avait institué une peine de réclusion d'un minimum de dix ans, les condamnés étaient enchaînés à leur banc. À leurs côtés, les engagés volontaires n'étaient pas enchaînés. Quand la galère coulait, ceux-ci pouvaient tenter de survivre si, du moins, ils savaient nager... Les condamnés quant à eux coulaient avec l'épave. Les uns et les autres formaient... la chiourme.
Les galères s'étaient multipliées au siècle précédent, sous le règne de Louis XIV. Le Roi-Soleil avait manifesté sa volonté de dominer les mers comme le continent et il avait confié à son ministre Colbert le soin de créer une marine digne de ce nom, rivale des marines anglaise et hollandaise.
Colbert avait d'abord acheté des navires à l'étranger avant de lancer une industrie navale en France même. Dès 1677, la France comptait 116 vaisseaux dont douze de premier rang, avec 74 à 120 canons. Au total plus de 6000 canons.
(Construction de la Galère La Réale à l'Arsenal de Marseille - Tableau de 1694, attribué à Jean-Baptiste de La Rose)
Les galères royales basées à Toulon étaient au nombre d'une quarantaine. Ces bateaux longs et bas, à un pont et deux mâts, étaient armés de canons à l'avant. À l'arrière, ils étaient surmontés du carrosse ou tabernacle, où se tenaient les officiers.
Chaque galère était placée sous le commandement de quatre officiers d'épée (des gentilshommes). Ils avaient sous leurs ordres une centaine de soldats, appelés bas-officiers, qui faisaient office de geôliers. Parmi eux les argousins, qui ferraient les galériens, et les pertuisaniers, qui surveillaient ceux-ci lors des corvées.
Les rameurs étaient des... esclaves turcs achetés sur les marchés de Livourne, de Gênes ou de Malte, ainsi que des condamnés de droit commun. À ceux-là s'ajoutaient de malheureux vagabonds, des huguenots ou encore des faux-saulniers, coupables de contrebande sur le sel. Ils dormaient ordinairement sur leur banc et vivaient dans une puanteur à peine supportable.
Saint Vincent de Paul s'était indigné mais en vain du sort de ces hommes. Leur malheur était le prix à payer pour la gloire de la « Royale », surnom encore actuel de la marine française.
La Réale
La Réale (« la Royale ») était une galère de la marine française, et le navire-amiral des galères de France sous Louis XIV.
Elle était qualifiée de « galère extraordinaire », car elle avait un équipage plus nombreux que celui des galères normales. La construction et l'armement ont coûté 170 000 livres tournois*, le prix d'une corvette, contre de 24 à 31 000 livres tournois pour une galère classique. Il convient d'ajouter à ce prix les 110 000 livres de sa parure de cérémonie : tentes, pavesades**, bannières et autres flammes en brocart, velours et damas cramoisi, agrémentées d'or et d'argent; ornements qui n'étaient arborés qu'en cérémonies.
* La livre tournois (parfois écrit « livre Tournois ») est une ancienne monnaie de compte française valant 240 deniers ou 20 sous, frappée originellement à Tours et qui fut utilisée en France sous l’Ancien Régime. Elle remplace progressivement la "livre parisis" à partir du XIIème siècle mais ne devient l'unique monnaie de compte qu'en 1667. Elle disparaît au moment de la création du "franc français" en 1795.
** Toile ou étoffe, la pavesade que l'on tendait en dehors autour des bords d'une galère, le jour d'un combat, pour dérober aux ennemis la vue de ce qui se faisait, de ce qui se passait sur le pont.