Edmond, Cyrano et Rosemonde... 📃🖋
Nous avons passé hier une excellente soirée devant la tel, chose suffisamment rare pour être partagée !
Sans avoir d’idée précise sur le film choisi, "Edmond", nous n’avons pas regretté ! Film de 2019 d’Alexis Michalik
Alexis Michalik s'est inspiré de l'histoire vraie de la genèse de la pièce d’Edmond Rostand, "Cyrano de Bergerac" pour écrire le scénario de sa pièce de théâtre, qui est ensuite devenue le film "Edmond".
"Edmond" est une comédie comme le cinéma comme le cinéma français en fait peu : ce film, écrit et réalisé par Alexis Michalik, revient sur la genèse de l'une des œuvres les plus marquantes du XIXe siècle, "Cyrano de Bergerac".
Signée Edmond Rostand, cette pièce de théâtre majeure a pourtant connu de nombreuses difficultés dans sa création, à tel point que jusqu'à la dernière minute, on pensait que ce serait un échec. Comme l'a fait John Madden avec Shakespeare in love, Alexis Michalik a tenu à revenir sur la création de la pièce, en la romançant toutefois quelque peu et en y incorporant des éléments de comédie.
Comme on peut le voir dans Edmond, c'est en effet en aidant l'un de ses amis à séduire une femme adepte de beaux mots qu'Edmond Rostand, alors âgé de seulement 29 ans, a eu l'idée de l'intrigue de Cyrano de Bergerac, et de la fameuse scène du balcon. C'est grâce à l'aide de sa femme Rosemonde Gérard (dont je parlerai plus bas!) et de l'acteur Constant Coquelin qu'il arrivera à monter sa pièce dans les temps qui lui sont impartis. Toutefois, le personnage de Jeanne, joué par Lucie Boujenah, est totalement fictif.
Pour écrire le film "Edmond", Alexis Michalik s'est extrêmement documenté sur la genèse de Cyrano de Bergerac : "J'ai donc commencé à lire tout ce qui existait sur et autour de Cyrano. Je me suis rendu compte que son auteur, Edmond Rostand n'avait que 29 ans lorsqu'il l'avait composé. Ecrire un tel chef-d'oeuvre à même pas trente ans ! J'ai été sidéré !" Pour l'anecdote, à la fin de la première représentation de Cyrano de Bergerac, le public offre à Edmond Rostand vingt minutes de standing-ovation.
Auteur et poète
Né le 1er avril 1868 à Marseille, Edmond Rostand est issu de la bourgeoisie marseillaise. Son père exerce la profession d'économiste et son arrière-grand-père fut maire de la ville.
Il monte à Paris pour y poursuivre des études de droit, qui le conduisent au barreau. Edmond Rostand n'exerce pourtant jamais comme avocat, préférant se consacrer à sa passion pour les lettres. Sa carrière littéraire débute par la poésie. En 1890, sortent deux recueils de poèmes, "Les Musardises" et "Ode à la musique".
Edmond Rostand décide ensuite de s'essayer à l'écriture de pièces de théâtre. Il écrit la pièce "Les Romanesques", qui est montée sur les planches en 1894 et qui vaut à son auteur un succès critique et public. Edmond Rostand épouse la poétesse Rosemonde Gérard en 1890, avec qui il a deux fils, Maurice et Jean Rostand qui devient lui aussi écrivain.
De son vivant, il est fait commandeur de la Légion d'honneur et est élu à l'Académie française le 4 juin 1903. Edmond Rostand décède à Paris le 2 décembre 1918 de la grippe espagnole, il n'a que 50 ans.
28 décembre 1898 : Première de Cyrano de Bergerac
Quelques heures avant la générale de Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand est accablé, désespéré. Les répétitions ont été une telle catastrophe qu'il craint le naufrage. Il va jusqu'à s'en excuser par avance auprès du célèbre comédien Constant Coquelin, qui incarne Cyrano.
Il manque de pif, le jeune homme, car la représentation de sa comédie en 5 actes s'achève sur un énorme triomphe. Même succès phénoménal pour la première du lendemain, le 28 décembre 1897. Mêmes acclamations d'un public enthousiaste. Quarante rappels ! La salle est debout, scande le nom de Rostand durant vingt minutes.
Edmond Rostand accède donc à la renommée, à l'âge de 29 ans. Le public apprécie tout particulièrement le romantisme de la pièce qui contraste avec les conventions réalistes de rigueur.
L'auteur renoue avec le succès en 1900 avec "L'Aiglon". D'autres pièces de théâtre ("Chantecler" en 1908 notamment) et livres de poésie suivent. Pourtant, c'est l'histoire malheureuse de Cyrano, affligé d'un appendice nasal proéminent, et de son amour impossible pour sa cousine, la belle Roxane, qui font de l'auteur une figure incontournable de la littérature française. Cyrano devient à l'image d'Hamlet chez les anglais, le représentant de l'esprit français. La dignité du pays, entachée par la prise de l'Alsace et la Lorraine, se relève face à l'élégance de Cyrano, honorable même dans les moments les plus difficiles. D'une grandiloquence étudiée, le théâtre d'Edmond Rostand, mêlant habilement virtuosité du verbe et panache virevoltant, se veut avant tout la réincarnation d'un certain romantisme flamboyant face aux canons symbolistes et naturalistes en exergue lors de cette fin de XIXe siècle.
La figure de Cyrano hante finalement les acteurs qui ont endossé le rôle et certains n'arrivent plus tout à fait à se séparer du héros tragi-comique, poète et comédien, souffleur de mots, qui a consacré leur carrière théâtrale : Coquelin, sans doute pour ces raisons et pour son amitié pour Rostand, s'est fait enterrer dans son costume de scène.La pièce remporte un succès qui ne s'est pas démenti depuis, comme le prouva la multitude de représentations et d’adaptations tant pour le théâtre que pour le cinéma...
Nous avons eu la chance de voir l’adaptation faite en l'adaptation de Robert Hossein, en 1990, au théâtre Marigny, avec Jean-Paul Belmondo ! Magnifique ! Un très beau souvenir
Mais parmi les acteurs qui ont sublimé le rôle, on trouve après Coquelin... Jean Piat, Daniel Sorano, Claude Dauphin, Jean Marais, Gérard Depardieu, Michel Vuillermoz, Jacques Weber...
Parmi quelques mises en scènes marquantes de la pièce, dont on voit bien qu'il était déjà délicat au début du XXe de reprendre la succession, tant la charge historique et mythique de la création est longtemps restée écrasante, on peut citer celle de Pierre Dux, en 1938, à la Comédie-Française, avec André Brunot dans le rôle de Cyrano, Marie Bell dans celui de Roxane, Maurice Escande dans celui de De Guiche, Fernand Ledoux dans celui de Carbon de Castel-Jaloux ; spectacle qui sera repris en 1949 et dans lequel on verra apparaître Jean Piat, dans le rôle d'un Cadet.
C'est sous la direction de Jacques Charron que Jean Piat entrera dans la peau de Cyrano pour incarner le rôle près de 400 fois à la Comédie-Française. Lors de la première, on dit, de mémoire de spectateur, que le tombé de rideau fut suivi d'un tonnerre d'applaudissements et de plus de cinquante rappels. Jean Piat raconte volontiers qu'il entendait, depuis le plateau, les gens murmurer les répliques avant même qu'il ne les prononce
Rosemonde, muse et poète
Louise-Rose-Étiennette Gérard, dite Rosemonde Gérard, née le 5 avril 1866 à Paris.
Le 8 avril 1890, elle épouse Edmond Rostand à Paris en l’église Saint Augustin. La même année, elle reçoit le prix Archon-Despérouses qu'elle recevra à nouveau en 1926.
Le 27 décembre 1897, soir de la répétition générale de Cyrano de Bergerac, la créatrice du rôle de Roxane, Maria Legault, est absente pour la répétition « des couturières » ; Rosemonde est alors sollicitée par Coquelin pour tenir le rôle durant toute la répétition. Plus que comédienne elle a surtout été poète. Elle a rarement joué la comédie, hormis une fois dans le rôle de Roxane de Cyrano de Bergerac, avec Sarah Bernhardt lui donnant la réplique en « Cyrano ».
Les relations entre Rosemonde Gérard et Edmond se dégradent progressivement et la séparation du couple est actée en 1911, bien qu’ils ne divorcent pas. Jean reste auprès de son mère, Maurice, le poète, avec sa mère. Rosemonde collabore avec son fils sur plusieurs œuvres, dont Un bon petit diable (une féerie en 3 actes d’après la comtesse de Ségur) en 1911 et La Marchande d’allumettes (un livret d’opéra-comique) en 1914. Elle écrit également sur ses souvenirs et sur son mari.
En 1926, Rosemonde remporte à nouveau le prix Archon-Despérouses de l’Académie française pour son recueil L’arc-en-ciel.
En collaboration avec son fils Maurice, elle donna au théâtre "Un bon petit diable" (1912), ainsi que des pièces comme "La Robe d'un soir", "La Marchande d'allumettes" (1914) ou "La Tour Saint-Jacques" (1931). Par la suite elle publia "Les Papillotes" (1931), "Féeries" (1933), "Rien que des chansons" (1939).
En 1931, elle est nommée chevalier de la Légion d'honneur. Elle a été membre du jury du Prix Fémina, en 1939.
Rosemonde Gérard meurt le 8 juillet 1953 en son domicile dans le 16e arrondissement.
J’ai découvert en préparant ce sujet passionnant que je connaissais bien sûr la femme d’Edmond Rostand sans le savoir, comme vous tous très probablement ! Ne serait-ce que par ces quelques vers mondialement connus, écrits par Rosemonde en hommage à son époux, et répétés depuis leur création par tous les amoureux... souvent s’en l’imaginer 💓
L'éternelle chanson (Rosemonde Gérard)
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.
Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer,
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant toujours par un baiser.
Combien de fois jadis j'ai pu dire " Je t'aime " ?
Alors avec grand soin nous le recompterons.
Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d'une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer.
Et comme chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain,
Qu'importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave - et serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s'entassent,
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens.
C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main
Car vois-tu chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve,
Je veux tout conserver dans le fond de mon coeur,
Retenir s'il se peut l'impression trop brève
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J'enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
Je serai riche alors d'une richesse rare
J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours !
Ainsi de ce passé de bonheur qui s'achève,
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J'aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore aux jours heureux d'antan,
Et je te sourirai tout en branlant la tête
Et tu me parleras d'amour en chevrotant.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.